Phenomer : un programme de sciences participatives sur les microalgues en Méditerranée

Publié par L'Ifremer en Méditerranée, le 24 mai 2023   840

Durée de lecture : 4 min.


Le 7 avril dernier, dans le cadre d’un webinaire, le déploiement de Phenomer a été amorcé en Méditerranée, pour les régions Sud-PACA, Corse et Occitanie. Ce programme de sciences participatives, initié et piloté par l’Ifremer, a pour vocation de mieux comprendre les proliférations de microalgues et d’engager les citoyens dans une démarche d’observation.

Phenomer est un programme de sciences participatives, coordonné par l’Ifremer, depuis 2013, d’abord à l’échelle de la Bretagne, puis des Pays de la Loire, et désormais pour la France entière, incluant la façade Méditerranée, pour les régions Sud-PACA, Corse et Occitanie. De nombreuses structures-relais s’investissent dans le programme (associations naturalistes, d’éducation à l’environnement, clubs nautiques, Société nationale de sauvetage en mer, capitaineries, mairies littorales, Agences régionales de santé, Centres permanents d'initiatives pour l'environnement...) et impliquent les citoyens dans une démarche d’observation.

Son objectif principal est de signaler tous phénomènes inhabituels et visibles dans l’apparence de l’eau de mer, potentiellement liés aux microalgues, comme des colorations rouges, vertes, jaunes ou brunes, éventuellement accompagnées de mousses abondantes et d’une surmortalité d’organismes marins. En 10 ans, le programme a permis le signalement de plus de 550 phénomènes d’eaux colorées, dont 53 pour l’année 2022. Pour exemple, des efflorescences de microalgues précoces ont d’ores et déjà été observées, le 18 février dernier, dans la baie d’Audierne, dans le Finistère sud. Les signalements se font par les citoyens sur le site web ou sur l’application de Phenomer, via une photo et, si possible, la réalisation d’un prélèvement d’eau transmis par la structure-relais à l’Ifremer.

Cette implication des structures-relais et des citoyens va permettre des travaux scientifiques en vue d’une meilleure compréhension des microalgues, de leur rôle dans les écosystèmes marins et de leurs impacts sur l'environnement et sur la santé publique.

Épisode d'eaux jaunes sur une plage aux Issambres, à Roquebrune-sur-Argens, dans le Var, en 2018 - Crédit : ARS Délégation Départementale du Var.

Pourquoi étudier les microalgues ?

Les microalgues ont un rôle écologique essentiel dans les écosystèmes côtiers. Elles sont à la base de la chaîne alimentaire marine : elles sont consommées par de nombreux herbivores et filtreurs, comme les coquillages, qui sont ensuite mangés par des carnivores, eux-mêmes consommés par les humains. Elles ont donc un fort impact sur les activités économiques liées à la mer, telles que l’aquaculture et la pêche. Plus globalement, les microalgues sont un enjeu pour notre planète. Leur activité photosynthétique produit plus de la moitié de l’oxygène atmosphérique et elles consomment la moitié du dioxyde de carbone sur Terre. Toutefois, les proliférations saisonnières de certaines espèces, parfois toxiques pour la faune marine ou l’humain, peuvent traduire des déséquilibres dans les écosystèmes, en termes de température de l’eau et de l’air, de salinité, de nutriments ou encore de courants marins. Ce sont donc de bons indicateurs de la qualité des eaux.

L’étude et la surveillance des microalgues sont nécessaires. Une meilleure connaissance de leur biodiversité et de leur écologie permettrait de mieux prévoir les apparitions d’efflorescences algales (aussi appelées « bloom »), de les identifier et d’analyser les facteurs qui contrôlent leur dynamique. Il s’agit cependant d’un sujet d’étude complexe, car, bien qu’apparaissant généralement dans un contexte d’élévation de la température de l’eau, au printemps ou à l’été, ce sont des phénomènes ponctuels et imprévisibles. De même, il existe un très grand nombre d’espèces de microalgues, identifiées ou à découvrir, et leur cycle de vie est court et particulièrement sensible aux conditions environnementales et aux impacts de l’activité humaine, ce qui ne facilite pas la tâche aux scientifiques.

Une dimension scientifique, mais aussi pédagogique !

Cette initiative de science participative peut permettre une plus grande rapidité d'action pour l’Ifremer, afin de mettre en place une étude de certaines efflorescences d’intérêt scientifique. En effet, la participation des citoyens augmente considérablement les chances de détecter ces phénomènes souvent localisés et de courte durée ; d’autant que les scientifiques ont besoin d'observations pour en apprécier l’étendue et l’ampleur, et de prélèvements pour valider les observations (un prélèvement par type d’eau colorée est suffisant).

Après signalement et identification des efflorescences, les échantillons d’eau de mer récoltés seront analysés et confrontés à l’ensemble des données environnementales disponibles. Cette démarche permettra, d’une part, de nourrir des projets de recherche existants, voire d’en développer de nouveaux. D’autre part, les espèces toxiques pour la faune marine et la santé humaine seront signalées aux administrations compétentes qui prendront les mesures adéquates en cas de nécessité.

Le programme Phenomer va donc contribuer à une meilleure compréhension des microalgues, de leur rôle dans les écosystèmes marins et de leurs potentiels impacts sur l'environnement et la santé publique. Au-delà des aspects scientifiques, il participera aussi, de manière pédagogique, à engager les citoyens dans une démarche d’observation, en vue de les faire appréhender la recherche et leur environnement de vie.

Comment cela fonctionne ?

La première action engagée dans le cadre de Phenomer, en Méditerranée, se traduira par la mise en place progressive d’un réseau de signalements constitué de structures-relais, comme des associations naturalistes ou environnementales. Ces dernières seront chargées de communiquer avec les équipes de coordination de l’Ifremer, de prélever des échantillons en cas de détection ou de signalements, et de sensibiliser les citoyens à ces phénomènes. Une dizaine de structures, présentes lors du webinaire du 7 avril, ont d’ores et déjà indiqué leur intérêt. Tout un chacun sera ensuite invité à signaler les proliférations excessives de microalgues en mer, se caractérisant par des phénomènes inhabituels dans l'apparence des eaux — notamment un changement de couleur. Le signalement se fera sur le site internet ou sur l’application Phenomer (disponible sur iOS et Android), via une photo et, dans la mesure du possible, la réalisation de prélèvements d’eau à transmettre aux structures-relais en charge de communiquer avec les équipes de coordination sur les territoires.

Rédaction : Thomas Pellissier

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 Contacts

  • Pour la Région Sud-PACA et la Corse : phenopac@ifremer.fr
  • Pour la région Occitanie : phenomer.occitanie@ifremer.fr

Image de couverture : Application Phenomer - Crédit : Olivier DUGORNAY, Ifremer (2015)